Regards croisés entre SIAL network et Promosalons Chine

3 questions à Nicolas Trentesaux, Directeur général, SIAL Network 

1. Deux SIAL China sont prévus en 2023, après avoir été reportés, dans quelles conditions vont-ils se dérouler ?   

La reprise en Chine est fulgurante, beaucoup plus rapide que prévue. Les perspectives en novembre 2022 restaient très pessimistes quant à une potentielle réouverture du marché. La bascule s’est faite très rapidement entre le 15 décembre et début janvier. Nous avons donc relancé au pas de course « la machine » et environ 2/3 des exposants habituels se sont mobilisés pour être présents dès le mois de mai 2023 sur le SIAL Shanghai. Au final, c’était un pari gagnant puisque nous avons battu tous les records avec cette édition : nous avons réalisé la plus grande édition jamais atteinte, avec plus de 4 500 exposants et 185 000 visiteurs. A noter que cette performance est bien supérieure à la moyenne du marché : on peut s’en réjouir ! 

Le lancement de SIAL Shenzhen est également un pari osé puisque ce lancement a été reporté trois fois à cause du Covid. Nous constatons à présent que la dynamique locale est extrêmement forte et que cette première édition de SIAL Shenzhen est en passe de dépasser les 10 000 m2 nets ce qui est assez incroyable pour un lancement. Le salon, qui aura lieu du 28 au 30 août, sera essentiellement porté cette année par la participation d’entreprises locales. L’incertitude liée au Covid n’avait en effet pas incité les entreprises étrangères à budgéter des évènements complémentaires en Chine. Nous les attendrons sur l’édition 2024 ! 

2. Quel est le positionnement de chacun de ces deux événements, quel marché servent-ils ? 

La Chine est un pays immense d’un point de vue géographique comme d’un point de vue de sa population (1,3 milliards d’habitants). L’explosion de la classe moyenne (environ 1/3 de la population) crée une demande très forte sur la consommation notamment alimentaire. C’est une caractéristique assez connue : l’amélioration de l’aisance financière se traduit très souvent par une recherche de diversification alimentaire qui vient dynamiser notre marché agro-alimentaire. Dans ce contexte porteur, le lancement d’un nouvel évènement en Chine vise essentiellement à se rapprocher des centres de consommation et donc des acheteurs. Nous reproduisons à Shenzhen la formule gagnante qui a hissé en un peu plus de 20 ans SIAL Shanghai au rang de 4ème plus grand évènement agroalimentaire au monde.  

Si la formule est la même, les visiteurs seront différents, avec un focus sur les acheteurs du Sud de la Chine (région de Hong Kong) pour SIAL Shenzhen.  

3. Observez-vous une régionalisation plus forte de vos événements suite aux différentes crises (sanitaire, économique, géopolitique) ? 

Il est sans doute un peu tôt pour se positionner clairement sur ce sujet. A date, l’expérience de SIAL Paris nous a plutôt prouvé le contraire. En effet, en octobre 2022, le monde entier a répondu présent à Paris malgré toutes les incertitudes qui pesaient encore sur la reprise. 

On peut pour autant imaginer que SIAL Paris a bénéficié d’une forme de « prime au leader » : les grands acheteurs privilégient les quelques grands salons mondiaux incontournables ainsi que des évènements plus petits, plus locaux, plus spécifiques. Si la tendance se confirme, l’arbitrage se fera au détriment de salons de taille moyenne à vocation régionale vs locale.  

L’écosystème dans son ensemble tend à mettre en place des programmes de Hosted Buyers renforcés pour pallier cet éventuel recul de visiteurs étrangers. Le soutien public pour financer ces activités envers les grands acheteurs pourrait créer des disparités significatives entre les salons. 

3 questions à Shuyu Lou, Délégué Promosalons Chine 

1. Après cette parenthèse de presque trois ans, quelle va être la stratégie des entreprises chinoises pour leur participation aux salons internationaux ?  

Le marché chinois a évolué vers de nouvelles caractéristiques, après avoir survécu à 3 ans de pandémie. En effet, de nombreuses entreprises qui avaient comme vocation d’organiser des pavillons au profit des salons se tenant à l’étranger ont disparu, et celles qui subsistent après 3 ans d’épidémie s’orientent pour la plupart vers un retour aux salons classiques.  

Mr QIU, le Président de l’IEMC (International Exhibition and Marketing Committee, Commercial Culture Association of China), a indiqué récemment qu’un soutien financier puissant serait accordé par le pouvoir local pour organiser des pavillons chinois dans les grands salons étrangers. Par ailleurs, on constate une augmentation des prix de divers services en raison de l’affaiblissement des sociétés de service dans le domaine du voyage international, de la décoration de stand, de transit des marchandises, ce qui nuit au redéveloppement des pavillons chinois à l’étranger. 

Toutefois les entreprises chinoises sont en train de revenir en grand nombre sur les salons en Europe et en Amérique du Nord, en tant qu’exposants et visiteurs. De telle sorte qu’aujourd’hui, les ambassades allemande, française et italienne peinent à examiner et délivrer les nombreuses demandes de visas venant des visiteurs chinois.  

Par rapport à la période avant la crise, les entreprises chinoises ressentent la nécessité de resserrer les liens commerciaux avec leurs partenaires étrangers et elles ont tendance à privilégier les grands salons leaders en Europe, en Amérique et en Asie. A part les grands salons multi-produits, les entreprises chinoises commencent également à travailler avec les salons de taille moyenne, très spécialisés et mieux ciblés. 

2. Quelle est la situation actuellement des salons en Chine, notamment ceux organisés par des opérateurs étrangers ?  

Dans l’ensemble, le secteur des salons est en train de reprendre son énergie et son ampleur en Chine. Mais ce processus de renaissance risque d’être long. Les statistiques de la surface des expositions chinoises ont démontré que, par rapport à la surface des expositions de 2019, celles de 2020, de 2021 et de 2022 sont respectivement de 53%, 60% et 30% de la surface de 2019. La surface totale des salons en Chine pourrait revenir à son niveau de 2019 fin 2024 ou fin 2025. 

Selon une statistique de 2021, parmi les 100 plus grands salons tenus en Chine, 32% de salons sont organisés par les organisateurs étrangers et les autorités chinoises estiment que les organisateurs étrangers les plus puissants sont Informa, Reed et Messe Frankfurt. 

Voici deux exemples récents de salons étrangers qui se tiennent en Chine :  

  • HOTELEX SHANGHAI 2023, organisé par INFORMA, aura lieu sur 400 000 m2, avec 3 000 exposants et 250 000 visiteurs 
  • CMEF 2023, Salon des Equipements Médicaux de Shanghai, organisé par REED, a accueilli 5 000 exposants sur 320 000 m2 bruts. 

3. Les organisateurs de pavillons chinois semblent projeter de créer des salons de produits chinois dans les pays en développement, pouvez-vous nous en dire plus sur cette tendance ? 

En s’appuyant sur des offres performantes d’entreprises chinoises d’une part et le soutien des gouvernements locaux d’autre part, certains organisateurs de pavillons chinois sur les salons étrangers sont allés maintenant jusqu’à la création de petits salons de produits d’origine chinoise dans des pays en développement, notamment en Afrique, au Moyen‐Orient et en Amérique du Sud.  Ainsi un organisateur chinois d’origine de la Province du Zejiang, dénommé « MEORIENT », qui a démarré sa société vers 2010, a récemment commencé à faire de petits salons dans les pays en développement et qualifie son approche de « stratégie de créer de petites foires de Canton à l’étranger ».  Il s‘agit là de petits salons très spécialisés et très ciblés pour une région bien déterminée et c’est un moyen très secondaire par rapport à la participation chinoise massive dans de gros salons en Europe, en Amérique et en Asie.