Les dernières estimations concernant les voyages d’affaires annoncent que le retour aux niveaux d’avant la pandémie n’est pas attendu avant 2026 (un retard de 18 mois par rapport aux prévisions précédentes de la GBTA1). Au moment où les mesures contre la pandémie de Covid s’allègent partout dans le monde, ce sont maintenant les conditions économiques détériorées qui freinent la reprise, notamment l’inflation, les prix de l’énergie, les ruptures dans la chaîne d’approvisionnement, ainsi que les conflits régionaux. Le secteur des déplacements professionnels est également impacté par les nouvelles considérations de durabilité qui émergent dans les politiques de voyage des entreprises. La reprise est inégale d’une région à l’autre, avec une augmentation des dépenses de voyages d’affaires en moyenne annuelle de 23,4% pour l’Amérique du Nord et 16,9% pour l’Europe d’ici 2026, mais seulement 5,6% pour la Chine.
Le point positif pour notre filière est que ce sont les réunions qui tirent vers le haut l’ensemble du voyage d’affaires. Ainsi les réunions avec les clients et les prospects (31 %), les participations aux conférences, salons et événements (21 %), mais aussi les réunions internes (17 %) représentent la grande majorité des dépenses de voyage. Et si le recours aux visio-conférences et la banalisation du télétravail se sont développé, ils n’ont pas brutalement modifié le besoin de voyager puisque 76 % des voyageurs estiment les déplacements indispensables ou nécessaires et utiles pour réaliser leur mission2.
Quant à la prise de conscience de l’impact environnemental des déplacements et l’aspiration au bien-être des salariés, ce sont des éléments à prendre en compte, notamment dans l’offre de service de nos destinations et salons professionnels.
Quel est l’impact de ces évolutions sur les salons professionnels internationaux ?
Au regard des résultats du premiers semestre 2022, la situation des salons français est encourageante compte tenu du contexte. Le dernier baromètre de la CCIP fait état d’un retrait de « seulement » :
- 14 % pour les exposants (vs 1er semestre 2018 de référence)
- 17 % pour la surface nette de stands
- 23 % pour la fréquentation des visiteurs
Proportionnellement, les salons les plus internationaux ont davantage souffert avec un recul de 35,8% de leurs visiteurs.
Même si aucun salon n’a été annulé lors du 1er semestre 2022, l’impact économique de la crise sanitaire reste non négligeable, avec une perte de 564 millions € de retombées économiques pour le territoire francilien (11,4 % du total des retombées annuelles), et 2,1 milliards € de ventes non réalisées entre exposants et visiteurs sur les salons (9,3 % du flux d’affaires annuel).
Nous observons cependant que pour la plupart des pays qui peuvent se déplacer, le ratio visiteurs / exposants reste satisfaisant et les participants ont plébiscité le retour au présentiel pour faire du business. Certains secteurs ont davantage souffert des évolutions de consommation et du contexte international, tandis que d’autres comme le bois ou la défense ont bénéficié de la forte demande qui existe actuellement dans leur secteur.
La situation dans les autres pays européens est plus contrastée :
- En Allemagne, les grands salons internationaux ayant eu lieu en 2021 et 2022 ont accusé une baisse importante (de moitié) de leur visitorat, curieusement davantage marquée sur le national que sur l’international. Beaucoup de salons n’ont pas publié leurs chiffres.
- En Italie, les salons ont bien repris en 2022 avec une hausse des visiteurs par rapport à 2021. Cependant, les grands salons triennaux n’ont pas retrouvé leur fréquentation de 2019.
- En Espagne, les salons internationaux accusent une baisse d’environ 30% mais les salons nationaux se portent plutôt bien.
Selon les pays, le soutien politique à la filière événementielle est très inégal. L’Allemagne et l’Italie notamment considèrent le secteur des salons BtoB internationaux comme un vecteur et un levier majeur du commerce extérieur. Les structures des parcs (organisateurs) et les entreprises ont ainsi reçu des aides importantes, découlant de cette perception très positive du média salon comme outil de développement économique et outil de développement territorial. Cependant, cette situation a aussi conduit à une très grande prudence pendant la pandémie et cette force du politique a pu devenir un frein en Allemagne lorsqu’il a fallu décider du redémarrage des salons.
Du côté des investissements, que ce soient les investissements des parcs en matière notamment de politique RSE ou digitale, ou les investissements de promotion des organisateurs, ils sont très liés à leurs structures qui sont « soutenues » ou non.
Quelles sont les leçons à retenir de cette crise ?
Au final, l’absence de salons pendant 18 mois a remis en évidence l’importance de la rencontre physique pour commercer, trouver des partenaires commerciaux mais surtout établir le lien de relations et de confiance indispensable au business. Cependant, les baisses quantitatives (parfois massives) de fréquentation nous incitent à trouver d’autres arguments plus qualitatifs pour parler de nos salons : les démarches top acheteurs par exemple, montrent bien que la qualité des acteurs en présence est essentielle.
Par ailleurs, la tendance à l’ultra volatilité des visiteurs se confirme, avec une prise de décision très tardive, due aux contraintes quotidiennes, à une forme de désorganisation générale du business mais aussi aux nouvelles habitudes de travail (home office) qui créent un contexte et une incertitude peu favorable aux déplacements professionnels. Cela met une très forte pression sur les équipes (salons, Promosalons) qui en assurent la promotion. Or les tensions inflationnistes devraient au contraire inciter à une plus grande anticipation des déplacements, pour obtenir de meilleurs tarifs aériens et hôteliers.
Enfin, plus qu’une nouveauté, on constate la puissance du positionnement et du parti-pris des salons autour de thématiques fédératrices et porteuses : l’exemple du « Low carbon tour » de Batimat est remarquable : il a permis au salon d’apparaître véritablement comme un catalyseur des tendances de demain. Les acheteurs, visiteurs, médias exigent plus que jamais que nous leur donnions « de bonnes raisons » de participer au salon, au-delà de l’offre elle-même qui est considérée comme un « must have ».
Corinne Moreau, Directrice Générale, Promosalons